On me demande souvent : pourquoi avoir choisi le métier de boulanger pour une reconversion professionnelle ?
Je n’avais jamais essayé de faire du pain auparavant, je n’avais jamais élevé un levain, je n’ai pas une passion refoulé depuis l’enfance pour la boulangerie .
Mon choix était double, à la fois philosophique et manuel : je voulais exercer un métier ou le temps serait un élément essentiel et non une variable d’ajustement, et le faire avec mes mains.
En effet dans mon ancien métier de graphiste, le temps de travail pour la réalisation d’un logo ou d’une affiche était un élément arbitraire qui était défini par d’autres personnes. Ce temps n’avait pas réellement de valeur, il pouvait être réduit suivant le volume de travail. La création devait être quantifiable pour être optimisé. J’avais l’impression de ne pas aller au bout des choses. Je n’était pas fier des résultats.
A l’origine le métier de graphiste était un métier autant manuel qu’intellectuel, mais l’informatique l’a complètement désincarné, sa mise au service du marketing lui a définitivement fait perdre ses lettres de noblesse. Je ne me retrouvais plus dans mon métier, celui que j’avais appris, aimé et pratiqué à mes débuts.
Bref il devenait impératif pour moi de ré-utiliser mes mains, de faire et de prendre le temps de faire avec le temps.
Après réflexion, je me suis dit que le maraîchage et la boulange étaient deux options ou le temps était incompressible. Il faut une durée donnée pour que le plant de tomate produise des tomates mures et il faut un temps donné pour que la pâte du pain fermente. N’ayant pas la main verte, je me suis tourné vers la boulangerie.
J’ai découvert par la suite que l’homme mobilisait toute son intelligence pour pouvoir réduire les temps de fermentation du pain de la même manière qu’il fait pousser les tomates hors-sol pour optimiser la production.
Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui.
L’homme pressé (1941) – Paul Morand
J’ai alors choisi de travailler sans machine, pétrir le pain à la main, le cuire au four à bois et surtout travailler avec le temps en le laissant faire son œuvre.
Voilà pourquoi j’ai choisi le métier de boulanger pour ma reconversion professionnelle, par naïveté et par conviction.
Vincent